J'ai deux passions : les romans et l'économie. Etonnant non ? toutes les photos publiées ici ne peuvent pas être reproduites.
dimanche 15 août 2010
Engeland Pierre Cendors edition Finitude
Etant moi même journaliste (dans un domaine éloigné de la critique littéraire), je ne vais pas faire de l'anti presse pirmaire, mais juste poser une question : que font les critiques littéraires ? Comment se fait-il qu'il faille pousser la porte (c'est une image) du Virgin megastore des Champs Elysées pour découvrir sur une table avec un de ces petits papiers de libraires que je déteste pourtant pour découvrir Engeland de Pierre Cendors, et découvrir qu'il a déjà écrit plusieurs romans. Sûrement quelques revues savantes l'ont remarqué, mais les autres, que diable font-ils d'autre que de s'épier les uns les autres pour critiquer (et je suis généreux en parlant de critique quand de plus en plus souvent le compte rendu de lecture ressemble de plus en plus à une quatrième de couverture) les mêmes livres ? Et découvrir ça ne vous dit rien ?
Bon, trêves de critiques et essayons de parler de bien de ce qui nous a ravi et surpris, c'est plus difficile, mais tellement plus intéressant à faire... Engeland, c'est d'abord un beau livre, oui un bel objet, un beau papier, une couverture en papier buvard épais, une illlustration choisie, une sorte de photo façon surréaliste en noir et blanc, superposition d'un homme en haut d'un immeuble et de l'oeil d'une femme, d'un titre écrit en élégantes lettres bâton. Et tout est déjà dit.
L'intrigue se déroule à Berlin au début des années 30, quand la capitale allemande était à la pointe de la création, entre Bauhaus et expressionisme. Deux enfants Fausta K. et celui qu'on surnomme Houdini vivent une amitié d'une rare intensité "Pas un jour ne se passe sans que l'un ne se dédouble en pensée dans l'autre", écrit Pierre Cendors. Le jour où Houdini chute et devient handicapé, Fausta se retrouve seule, et toute sa vie, elle éprouvera ce manque qui fera d'elle une photographe obsédée par cette absence.. D'ailleurs le roman alterne le récit linéaire et des extraits du catalogue d'une grande rétrospective de Fausta K., rétrospective portant le poétique nom d'"empreintes du silence".
Engeland est à la fois une réflexion sur l'Art photographique, sur tout Art, sur la quête désespérée du créateur qui cherche à dire ce qui ne se dit pas, à montrer l'inmontrable, tout en étant un roman à suspense, qui m'a fait penser par moments au cavalier suédois de Leo Perutz (pour le talent de manipulateur du romancier). En effet, à un moment du récit réapparaît un tableau représentant Houdini qui nourrit l'intrigue : qu'est devenu Houdini ? On tremble d'autant plus pour lui que l'on est en 1930 à Berlin, les deux enfants se retrouveront-ils un jour ? Car, et c'est le troisième niveau de lecture (et il y en a sûrement d'autres, voir la référence à l'excellent blog découvert à cette occasion à la fin du texte), Engeland est aussi une réflexion sur l'Histoire, Fausta, ayant été témoin occulaire (comme aurait écrit le génial Ernst Weis) de la folie européenne... le livre roman se terminant du côté de Tchernobyl, là où les animaux ont repris possession de la ville d'où les Hommes ont été chassés.
Le seul reproche que l'on peut faire à l'ouvrage est qu'il est nourri de théories esthétiques, notamment durant les années d'apprentissage de Fausta, initié à l'art photographique par un étonnant professeur. De telles considérations rebuteront sûrement certains lecteurs. Ils auront tort. Qu'ils s'accrochent, ils auront la chance de découvrir un auteur dont ils entenderont parler un jour prochain, forcément, qu'ils auront la chance de découvrir une prose classique et moderne. "Un souvenir peut-il être si fort, au point de se transformer en archive de l'avenir ?", écrit Cendors.
Sur ce blog, une analyse très intelligente et très savante :
à la fin du billet la bande annonce du roman, réalisée par les éditions Finitude
http://notedusouterrain.canalblog.com/archives/2010/06/19/18361208.html
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