lundi 5 septembre 2011

saison 3




Toujours convaincu par qui vous savez j'ai rempilé par l'aventure de chroniques de la rentrée littéraire, le site de critiques bénévoles de romans

au programme cette année, on trouve du très bon comme
celui là

ou
celui ci

du bon comme celui là

et d'autres moins essentiels
par exemple, celui là dont on parle
ou
un autre dont on parle moins mais qui le vaut bien

mais qui trouveront sûrement le public et c'est bien la seule chose qui compte finalement qu'un livre trouve son lecteur et inversement. je suis d'un consensuel en ce moment, ça m'étonne moi même

dimanche 17 avril 2011

La guerre aux chandelles Daniel Alarcon



La guerre aux chandelles est un recueil de nouvelles, d'une étonnante cohérence. L'auteur est né au Pérou, lieu où se déroule les neuf nouvelles. Plus qu'une identité de lieu, ce recueil forme un tout en ce sens qu'il constitue un portrait de ce pays, comme une sorte de diaporama infernal des horreurs de la vie en Amérique du Sud. Ici on ne trouve ni fantastique, ni exaltation d'un monde merveilleux. C'est la difficulté de la vie quotidienne qui est racontée : de la guerre des gangs à la guerre civile, en passant par les catastrophes naturelles et les envies d'immigration. Un des textes les plus poignants raconte la survie d'un père et de ces deux enfants après qu'une coulée de boue a ravagé la vallée où il vivait jusque là. En quelques pages, toute la cruauté du monde est là. Une autre nouvelle raconte la vie d'un jeune peintre qui réussit à obtenir un visa aux Etats Unis où il restera peut être. Quand à la fin, il rencontre une jeune américaine qu'il va séduire : sera ce par opportunisme ou attirance ou les deux mêlées ? L'auteur se garde de donner la solution.. car c'est de l'ambiguïté, source de drame, qu'il est ici question.

Le style d'Alarcon est l'anti tire larmes : il n'en fait jamais trop, reste au bord de ce qui pourrait être d'indécents violons ou des trucs pour créer une complicité avec le lecteur. Son écriture est presque sèche. Est ce un effet de la traduction ou de son passage aux Etats Unis, toujours est-il que son écriture est rapide et précise allant à l'essentiel. C'est le genre d'auteur capable en trois phrases de faire exister un personnage secondaire.

Page 245, un personnage résume assez bien la tonalité d'ensemble : « Dans cette ville, il n'y a rien de plus inutile que d'imagner une vie. Demain est tout aussi impossible à deviner que l'année prochaine, et on ne peut s'accrocher à rien de solide. Il n'y a pas de travail. Il n'y a rien que j'aurais pu lui promettre à ce moment-là qui n'aurait pas été purement imaginaire. Ou, pire, le fruit du hasard. »

Albin Michel 22 euros

Tu verras Nicolas Fargues


De Nicolas Fargues, j'ai lu plusieurs romans, dont le meilleur reste Rade Terminus - ce récit sur les relations Nord Sud, vus depuis Madagascar - suivi de Beau rôle. D'autres m'ont paru beaucoup moins intéressants, c'est mon problème.
Le thème de Tu verras m'intéressait parce qu'il révèle ce talent qu'a Fargues d'aller creuser des territoires vierges : un père confronté à la mort de son fils ado . De ce côté là le roman est plutôt réussi. La bonne idée est d'avoir « fait mourir » Clément à l'âge où il commence à emprunter son propre chemin. La séparation définitive est d'autant plus forte que le père et le fils commençaient à s'éloigner, le teen ager ayant le mauvais goût aux yeux de son père de préférer le rap à Georges Brassens et la mauvaise habitude de porter son jean un peu trop bas.
Là où on retrouve aussi la patte de Fargues c'est dans sa description au vitriol des uns et des autres, notamment de l'entourage propre. Il possède une sorte d'acide pour décrire les lâchetés des uns et des autres. Tel est un des talents de Nicolas Fargues : cette aptitude à voir ce qu'il peut y avoir de minable chez les uns et les autres. Cet auteur a une sorte de caméra infra rouge pour repérer les égoïsmes cachés, du collègue gêné à la petite amie odieuse... Et pour la formule choc, « à défaut d'amour, une longue douche c'était déjà ça. »
Là où ça se gâte, c'est dans le déroulé du roman. Plus fabriqué que ce « tu verras » c'est difficile. Un roman est construit, c'est même son principe, le problème c'est quand on voit encore l'échafaudage ou les coutures au fil blanc. Résumons ce que l'auteur et l'éditeur pensent être une intrigue : le père est malheureux, il va à l'incinération de son fils où il revoit son ex femme, il plaque sa copine vraiment trop égoïste (sa femme en pire), retourne au travail, et erre avec sa voiture, jusqu'à une banlieue où forcément il rencontre un un gars dont l'oncle est marabout en Afrique. Il voit aussi deux témoins de la mort de son fils, un premier aussi lâche que le reste de l'hmanité et un second, une femme africaine, bien sûr pleine de sensibilité et d'empathie, mais sans en faire trop.. Je résume la suite : il finira par partir en Afrique voir l'oncle marabout du copain du vendeur de shit et tout finira par cette phrase sublime : « mon écran où ne s'affichait plus rien, ressemblait à une page blanche mais rétive à toute inscription ». Ce genre de formules constitue le second problème du roman : parlant du chagrin « j'ai laissé sortir par mes yeux et ma bouche cette irrésistible montagne dont je ne savais si elle restait à gravir ou si j'en approchais enfin le sommet », une métaphore qu'il utilise à plusieurs reprises. Il a raison, elle est tellement réussie ! Quand il va en Afrique, le personnage principal a des réflexions d'une puissance redoutable : « Il (un jeune africain) mourra sans doute (on sait jamais faut être prudent) sans jamais avoir enfilé une doudoune ni un passe montagne de sa vie ». Au moins, la mort de son fils l'a rendu lucide. Et ma préférée pour son audace électrique : « Il me semblait que toute ma détresse trouvait sa résolution dans ce paysage nouveau et impartial, ni compatissant ni indifférent, un peu comme une prise terre prévient un appareil électrique défectueux d'un accident fatal ».
L'auteur aurait beau jeu de dire que c'est le personnage qui parle, qu'il est maladroit, qu'il a une certaine pauvreté à exprimer ce qu'il ressent. Je lui répondrai que le personnage c'est l'auteur qui le crée et qu'il n'a qu'à se débrouiller pour avoir un style original qui réussisse à rendre sa banalité, qu'écrire un roman c'est prendre parti et que l'ironie qu'il utilise parfois avec talent (dans rade terminus) est un moyen de prendre position, pas de se cacher derrière son petit doigt. Car le malaise du roman vient du sujet trop grave qu'il aborde par rapport à ses moyens littéraires au moment où il écrit (n'insultons pas l'avenir). Il excelle à décrire le monde parisien, les lâchetés et les compromissions quotidiennes, c'est aussi un très bon observateur de la ville et du monde, c'est incontestable et ce livre le prouve, la première centaine de pages est de bonne facture.
Reste que face à un sujet aussi difficile, il ne brise pas l'armure et reste dans ce qui pourraient être des trucs. Les prochains livres de Nicolas Fargues que je lirai le diront..

Editions Pol 15,50 euros

Pour info : une critique plutôt favorable d'un critique que j'aime bien

samedi 16 avril 2011

Sciences morales, Martin Kohan,



Et si les plus grands livres étaient ceux qui mettent en scène une oie blanche qui découvre la corruption du monde, alors Sciences morales serait un très très grand livre. Roman argentin, Sciences morales a dû être publié parce que Buenos Aires était l'invité du Salon du livre, ce qui donne une justification à ce grand barnum vain et ennuyeux qui se tient chaque année Porte de Versailles. Merci le salon, merci le Seuil et merci aux libraires de la librairie de l'atelier qui avaient invité l'auteur ce qui m' a permis d'acheter ce livre.
Soit l'histoire de Maria Teresa, une jeune femme, surveillante dans un prestigieux lycée argentin alors que dehors la guerre des Malouines commence, une guerre que son drôle de frère est parti faire. Voilà maria Teresa seule avec sa mère dépressive et ses élèves de la troisième section dix. Zélée, la surveillante découvre bientôt qu'un des garçons sent le tabac et décide de mener l'enquête.. dans un endroit singulier : les toilettes des garçons du lycée.
Le style de Kohan est très clinique, au plus proche des faits et du monde matériel, avec très peu d'indication des sentiments (un trouble ici ou là), il raconte les heures passées par cette jeune femme enfermée dans un wc à la turque. Drôle de sujet, et pourtant ça tient, ça marche, le malaise est palpable, d'autant que le lecteur est dans une position symétrique, observant ce personnage enfermé dans un cabinet.
C'est aussi d'érotisme qu'il est question, car la surveillante connaît un certain trouble à imaginer ce que font les garçons avec « cette chose qu'ils ont » comme elle dit, notamment un des élèves qui porte le même parfum que son frère. La dictature qui mène les jeunes garçons à la guerre est la même qui empêche la narratrice de nommer le sexe des hommes et qui la conduit vers une tragédie intime. En effet, le surveillant général réputé avoir participé à une opération de répression dans le passé s'intéresse de près à cette jeune fille, que personne d'autre ne remarque. Ensemble, ils se retrouvent dans un café, loin de la place. Un temps, Maria Teresa imagine qu'il pourrait être l'homme de sa vie. Mais le romantisme s'invite rarement dans les toilettes. Pourtant, le roman s'achève sur une touche plutôt optimiste, lié à la défaite argentine aux malouines et à la chute du régime politique.
Pour ne dire qu'une chose du talent de Kohan, j'évoquerai le frère de Maria Teresa. Il doit avoir à peine vingt ans et très peu de choses sont dites de lui. Il envoie régulièrement des cartes postales qu'il signe de son seul prénom et pourtant il est terriblement présent. Plutôt réussi.
Enfin, il faut féliciter le travail des éditions du seuil : rarement j'ai vu une couverture aussi bien résumer le contenu d'un livre.
Dernier point : peu de psychologie dans ce livre et ça fait du bien mais du bien.

éditions du Seuil 19,50

Chronic City Jonathan Lethem



Difficile de parler de ce que les critiques qui ont du style appellent un Ovni littéraire, c'est-à-dire un livre singulier ne ressemblant à rien de lu jusque-là (qui a bien un petit défaut, il est peut- être un peu trop long, et pourtant je ne vois pas ce qu'il faudrait lui ôter). De même auteur, j'avais lu les orphelins de Brooklyn, un roman qui ne m'avait pas laissé une très grande impression. Pour tout dire, je serai bien incapable de dire même de quoi il y était question.
Preuve qu'il faut parfois insister, cette chronic city m'a emballé illico. Je ne sais plus quel auteur surréaliste définissait son art comme la rencontre d'un parapluie et d'une machine à coudre (j'avais appris ça au lycée... mais le temps passe). Chronic City est l'histoire d'une rencontre aussi peu réaliste entre Chase Insteadman (jeux de mots en américain) et Perkus Tooth. Le premier est un homme encore jeune qui a été, adolescent, le héros d'une série télévisée grand public, tant et si bien qu'il n'a plus trop besoin d'être aujourd'hui, il vit sur sa célébrité passée, ravivée par un drame public : sa fiancée astronaute est perdue dans une station orbitale à la dérive et est atteinte d'un cancer du pied qui provoquera bientôt une amputation dudit membre.
De son côté, Perkus Tooth est un ancien agitateur du Manhattan d'hier, mi critique, mi performeur, le genre qui publie ses « éditoriaux » en les affichant sur les murs de la ville. Intransigeant, il s'est retiré de la vie médiatique, passant sa vie à visionner de vieilles vidéos, obsédé par Brando, persuadé au fond que tous autour de lui ne sont que des Gnuppet, ces marionnettes, dans lesquelles le manipulateur met la main. Nous serions tous manipulés, non par un Dieu – il est mort – mais par le monde moderne. Nous serions tous manipulés sauf Brando et quelques autres.
La rencontre fortuite de l'un et de l'autre est une sorte de précipité chimique qui va tout emporter sur son passage, et avec lui, nos convictions de lecteur. C'est New York et ce n'est pas New York qui est le lieu de l'intrigue, un New York de légende, où chacun joue tellement un rôle qu'il ne semble plus être. « Je suis un vide, que remplissent les gens de mon entourage et qui s'évapore à nouveau lorsqu'ils n'y sont plus », dit de lui Chase. Un peu plus loin, du même : « je n'étais qu'un produit de remplacement que les gens invitaient pour remplir un vide ». Ce n'est sûrement pas un hasard, si un des personnages est un nègre qui écrit des biographies de personnalités connues, notamment un artiste contemporain qui creuse des trous un peu partout.
Voilà pour le ton, mais trêve de choses sérieuses car si le propos est parfois intello en diable, le roman est aussi loufoque et ce mélange de références pointues et de burlesque est une des choses les plus réussi du livre. Rarement, j'ai vu un auteur tenir aussi bien sur la durée sur une tonalité aussi originale, sans jamais se copier. On ne sait jamais ce qui va arriver : New York est la proie d'un tigre mystérieux qui détruit les immeubles, on construit des immeubles pour héberger les chiens sans maître, un des personnages voit le mur de son immeuble occupé par un nid d'aigle, et plusieurs jours durant, une odeur de chocolat flotte sur la ville. C'est un roman aussi où les deux personnages partent dans une quête folle pour trouver des vases réalisés dans une matière étrange, tandis qu'un génie informatique invente un monde parallèle. Certes, Chase et Perkus fument beaucoup d'herbe, ce qui altère peut être leur perception du monde...
Chronic city raconte aussi la fin du New York des 70ies pour devenir une ville normalisée où l'argent a chassé la bohème. Il est bourré de références littéraires, mais si vous ne le savez pas, ce n'est pas grave, car la fantaisie de Lentham est là pour tout faire passer (à part une référence à Don de lillo, je n'ai pas vu les autres cités par de brillants critiques).
Formidable livre sur l'amitié, ce sentiment particulier qui fait que deux être qui n'ont peut être rien à partager a priori que leur ennui, vont aller jusqu'au bout de la vie pour éprouver la seule chose qui soit vraie dans le monde hyper factice de la métropole new yorkaise : les sentiments et ce sans jamais être gnangnan. On dit bravo dans ces cas là non ?

éditions de l'Olivier, 23 euros

dimanche 27 février 2011

Retrait de marché Clément Caliari


Quand la fiction rejoint la réalité. Paru début janvier, ce retrait de marché résonne bizarrement avec l'actualité récente, mais bon je ne demande pas à la fiction d'être une sorte d'horoscope du réel, prédisant ce qui va arriver, y'a des journaux pour ça.

Revenons donc au texte, soit les aventures de Louis Lémure, chercheur médiocre qui par le plus grand des hasards découvre un antibiotique miracle. Plus exactement il croît découvrir une molécule miracle.. surtout pour les profits de son entreprise et la suite de sa carrière. Dans la France des années 50, lémure rêve de gloire comme celle de son idole le général de Gaulle, mis en réserve par une quatrième République qui se passe très bien de lui. Le médicament s'appellera le Résiston il sera distribué et imposé de manière agressive puis retiré du marché. Déjà à l'époque, pour gagner plus, il fallait aller plus vite, quitte à prendre des libertés avec les essais cliniques, ce qui coûte ici la vie à des malades. S'en suit une fuite du héros vers l'Algérie où il tente vainement de devenir un autre, bientôt rattrappé par le père d'une de ses victimes. Le roman se termine par la narration du procès de Lémure et de sa captivité, tandis que sa famille se désagrège.

Pour un premier roman, ce retrait de marché est plutôt pas mal, avec une bonne dose d'humour, notamment dans la description de la vie de Lémure et de sa famille. La reconstitution est plutôt réussie. Ce qui l'est moins, c'est la passion du personnage principal pour l'alcool et les sortes de délire qu'elle provoque, mais passons ce n'est qu'une partie du roman.

En y réflechissant au moment d'écrire, je réalise surtout que c'est un roman dont chacune des parties fonctionne très bien. La découverte par hasard de la molécule, sa mise sur le marché triomphal, l'igorance des mises en garde, la découverte de l'erreur, la fuite en Algérie, le procès et la prison.

Pourtant, l'ensemble m'a laissé sur ma faim, je ne saurai dire pourquoi. Peut être parce que les personnages restent des esquisses, d'ailleurs intéressante – le scientifique raté, son épouse bourgeoise, sa grande fille célibataire, le cgtiste hongrois - qu'ils manquent d'épaisseur à part peut-être Louis lémure. Si le personnage du scientifique raté est intéressant dans sa quête de gloire – il veut la molécule comme le premier candidat venu de la Star Academy cherche à faire un tube, il reste aussi assez plat. Pour un roman qui se passe dans les années entre 1955 et 1958, dont le héros est admirateur de De Gaulle, on ignore son passé pendant la seconde guerre mondiale, pas plus qu'on a la moindre idée de sa propre famille.

Les personnages deviennent dès lors des sortes de pièces d'une mécanique qui tourne très bien, mais qui manque d'épaisseur humaine. Mais peut-être était ce le projet de l'auteur, montrer un monde déshumanisé, un monde désenchanté où la guerre étant finie, les grands combats deviennent vains n'ayant pour seul enjeu une gloire narcissique ou le profit immédiat...
Après tout un roman qui soulève de tels interrogations est forcément bon. Bonne lecture

Gallimard 18,90

Les pensées sauvages Marc Durin Vallois


Pour des raisons trop longues à expliquer ici, j'ai lu presque tout Durin Valois, notamment ces romans africains (chamelle, l'empire des solitudes et noir prophète), des romans intéressants. Durin Valois avait signé dans son dernier roman, noir prophète, un très beau passage qui m'a marqué profondément : l'errance en voiture d'un de ses personnages dans une banlieue pavillonnaire allemande. C'était ça qu'il fallait qu'il travaille, mais l'Afrique, qui a joué un rôle dans sa vie, semblait lui tenir plus à coeur.

Et puis paraissent ces pensées sauvages, soit un drôle de roman qui ne ressemble pas vraiment à ce que faisait durin vallois jusqu'ici, si ce n'est son goût pour les univers ensoleillés, où tout est au bord de la liquéfaction. Soit antonin, un jeune homme qui vient de rater l'entrée à normale sup pour la deuxième année, qui vend l'appartement parisien que ses parents lui ont payé pour étudier et part à bord d'une décapotable s'installer dans une maison de famille aussi délabré qu'il l'est, avec pour unique bagage des liasses de billet et quelques hectogrammes de poudre blanche.

La rencontre de ce jeune homme et du village sera l'histoire de ce roman où la force de la jeunesse encore indomptée s'oppose aux braves gens qui n'aiment pas que. Antonin sympathisera très vite avec Bernadette, une jeune adolescente aussi laide que lucide, puis avec les habitants d'une maison, qui réunit autour d'un patriarche (ex psy) une brochette de femmes de tous âges qui tournent autour d'Antonin. A moins que ce ne soit lui.

Sur une trame aussi peu réaliste, Durin vallois réussit en moins de dix pages à imposer son sujet. Très vite le lecteur est pris par la narration, au delà des possibles invraisemblances. Car qu'importe qu'il faille un peu plus de temps que ce que cela prend au héros pour vendre son appartement (L'auteur m'indique qu'il s'est renseigné auprès d'un notaire, et qu'il est donc possible de vendre en deux mois un bien. Dont acte). Ce qui est vrai et bien rendu par le roman c'est l'état d'esprit de ses personnages. A aucun moment, on ne doute de la réalité de leurs sensations, de leurs ressentis. Cet adolescent en crise, qui n'arrive pas à rentrer dans le monde

Les pensées sauvages est un roman d'apprentissage où l'apprentissage est le sujet du suspense. Que vient chercher Antonin ? Que trouvera-t-il ? Qui est-il ? Ce sont ces questions mouvantes qui constituent la trame du roman, une trame qui évolue donc à mesure que le récit progresse.

Les pensées sauvages emprunte donc une narration chronologique. Autre mérite du roman : son style. Quand tant d'auteurs écrivent dans un style oral pour faire jeune, Durin Vallois donne à son jeune héros un style classique autrement plus convaincant. A l'oralité à outrance prisé des auteurs qui veulent faire jeune, il donne à son héros quelques subjonctifs de l'imparfait qui ne jurent pas. Car la jeunesse n'est pas une question de « tu vois ? » et autres « j'veux dire » mais une question d'urgence paradoxale à vivre, alors qu'on a tout le temps devant soi, en somme « de vivre dans une liberté absolue qui ressemblait à la mort. »

Plon 18 euros

Hors service Sloja Krapu


Même les femmes parfaites, comme Eva Lena, le personnage principal de ce roman, font des erreurs. Il en naît parfois des romans comme ici avec l'histoire de la mésaventure survenue à Eva Lena qui se retrouve enfermé le temps d'un week end dans le local à photocopies du collège où elle enseigne en Suède. Le temps de cette claustration involontaire, elle prendra conscience de l'enfermement sa vie de quadra parfaite, entre excellence professionnelle, enfant modèle, ado rebelles et mari « l'esprit ailleurs ».

Le roman emprunte une construction alternant les récits : celui de l'héroine enfermée, de sa vie d'avant (notamment de sa rencontre avec une amie d'enfance qui est son anti thèse) mais aussi de son mari. C'est très ancré dans le quotidien, avec des personnages qui ont une vraie profondeur psychologique, notamment Eva Lena. Son amie Aurora paraît un peu plus forcée : la fille toujours heureuse de la vie, qui continue d'y croire même si son grand amour est mort. Tandis que bien sûr Eva Lena ne sait pas se contenter de ce qu'elle a... On frôle par moments la caricature. « Elle dit qu'elle a besoin des gens. Elle dit qu'elle a besoin de ses enfants. Qu'elle a besoin de proximité. Moi je dis toujours que ce sont les autres qui ont besoin de moi. Que rien ne pourrait fonctionner si Je ne m'occupais pas de tout »

C'est souvent drôle, l'héroïne, comme toutes les personnes perfectionnistes a quelque chose de ridicule. D'ailleurs ce roman évoque les meilleurs comédies, mais aussi les séries télévisées ancrées dans la description de la vie quotidienne. C'est le ras le bol de la quadragénaire qui découvre qu'elle est en train de passer à côté de sa vie, qu'il ne suffit pas d'avoir une maison parfaitement décorée, une allée sans herbes et ne pas manger de crème fraîche pour être heureux.

Car hors service décrit aussi le quotidien dans un pays scandinave, avec des côtés relativement effrayant notamment dans le collèg, où oeuvre le personnage principal, collège où tout est négocié en permanence. Un monde où les normes sociales semblent lourdes. Eva Lena est une cousine scandinave des desesperate houseviwes.
Gaia 21 euros

dimanche 6 février 2011

La blessure la vraie, François Bégaudeau, Verticales


Brûler celui qu'on a aimé.. vieille manie. Bégaudeau qui a été loué quand il publiait hors les murs chez verticales s'est vu de plus en plus critiqué à mesure qu'il a eu du succès. Comme si le talent baissait inversement à la renommée. Tant pis pour les mauvais couchers. Si la chasse au bégaudeau est ouverte, ma bibliothèque restera un espace protégé pour cette espèce menacée, aussi longtemps qu'il écrira des livres aussi bon que la blessure la vraie.
Nous sommes en 1986, le narrateur part en vacances avec ses parents, et a décidé de perdre son pucelage comme on disait encore à cette époque. Sur place, il retrouve ces amis d'enfance(du tombeur professionnel au gentil garçon qui mourra, en passant par le looser magnifique et un idiot du village) et découvre les jeux de l'amour et du hasard perdu entre plusieurs jeunes filles, qu'il voudrait toutes séduire.. Qui trop embrasse, reste puceau, tel pourrait être la morale de cette version littéraire de la boum 2. Mais il n'en est rien car le narrateur est communiste et bégaudeau a de l'humour et de la fantaisie, cette qualité si mal vu en France où il faut être pesant si on veut être pris au sérieux.
"j'ai commencé les pensées de Pascal, je suis communiste et je rougis quand une fille dit jouir" résume assez bien le narrateur, sérieux trop sérieux, avec toute le sérieux dont on n'est capable qu'à l'adolescence, et sa timidité.
Plus métaphysique aussi mais toujours aussi inspiré : "on pleure d'être mortel et on vit comme un immortel, comme un petit bourge pourri gâté d'immortel qui pète plus haut que ses pauvres soixante années vouées à s'écouler dans l'indifférence générale jusqu'à l'égoût d'un cimetière sans croix".
Car le rire ici n'est pas que divertissement, comme aurait dit Pascal que lit le héros. Il est, comme chez Gombrowicz, une réponse métaphysique à l'absurdité du monde et de la vie. Comme le martèle la mère Baquet à travers ses sentences et anecdotes. Le paysage des vacances est aussi un champ de bataille : là une morte parce qu'elle ne pouvait plus revoir son amoureux, ailleurs un homme pendu par désespoir.. mais toujours avec le sourire.
Il y a aussi le personnage du personnage du cinéaste parisien, chez lequel le jeune narrateur passe un dîner d'anthologie, ses hôtes ivres délirant sur le réel.
Ce pourrait n'être qu'un roman générationnel. Mais Bégaudeau est malin (trop peut-être??) pour faire un roman nostalgique. S'il cite les accessoires et éléments de décor qui feront réagir ceux qui ont connu les années 80, il ne tombe pas dans ce biais de l'époque, l'auteur commentant ici ou là l'éphémère de telle ou telle mode.
Et pour lever l'ambiguité, il s'offre à la fin un départ dans l'imaginaire, dans une sorte de polar fantastique et fantaisiste.. jusqu'à la fin qui n'en est pas vraiment une.

Ps : j'ai oublié un point. la jeunesse, l'adolescence, c'est la vitesse l'impatience. Le style de l'écriture rend cela très bien. C'est à ce jour le livre où j'ai le mieux ressenti cette impatience essentielle

La vie privée de Mr Sim Jonathan Coe, Gallimard


Actuellement en promo dans la presse française, Jonathan coe explique partout que non ce ne livre là n'a pas la même veine que Testament à l'anglaise et que la critique britannique le lui reproche (ce qui d'ailleurs est très amusant car en France les "artistes" couinent toujours qu'ici on nous met dans des cases contrairement aux pays anglo saxons, l'Angeterre ne doit donc pas être un pays anglo saxon) et bien je dois être un critique anglo saxon car il est certain que cette vie très privée de Mr Sim pour réussie qu'elle soit n'est pas aussi forte que ledit Testament à l'anglaise, tout en étant un excellent roman.
Soit un homme moyen et conscient de l'être, pas très chanceux (le genre qui, voulant nouer des relations avec son voisin de siège d'avion, se retrouve à voyager à côté d'un cadavre) ,Mr Sim comme la carte l'humoriste, en dépression après le départ de sa femme et de sa fille qui, sur les conseils d'un vieil ami, décide de participer à une opération publicitaire pour des brosses à dents bio. Mr Sim pour cela devra traverser l'Angleterre et rejoindre l'Ecosse. Sauf que le roman de Coe est plus que ce résumé de l'action principale. Avec un art de la construction toujours aussi grand, Coe bâtit un roman qui mêle monde moderne, quête de la gloire et drame familial. Comme dans les meilleurs Almodovar, le récit principal l'épopée de Mister Sim qui se retrouvera bientôt avec pour seule compagne la voix de son GPS (une sorte de comble de la solitude) progresse grâce à des récits annexes (comme le film dans les derniers films d'almodovar, là ce sera une composition d'une étudiante, les mémoires de son père et le récit d'un aventurier des années 60 qui avait décidé de tromper tout le monde plutôt que d'affronter la vérité, quitte à en mourir.
Le récit de Coe brasse tous ces thèmes tout en racontant une histoire linéaire avec ce qu'il faut de suspense pour donner envie de tourner la page.. Parabole sur l'ultramoderne solitude comme chantait Souchon, la vie très privée de Mr Sim n'oublie pas l'humour de Jonathan Coe, qui rend tout plus léger. Rien n'y est vraiment tragique, au contraire.
Roman du temps qui passe, il montre avec subtilité que tout change et rien ne change non plus. Tout change, car c'est aussi une promenade nostalgique dans l'angleterre d'aujourd'hui. Les traces d'hier ont disparu, mais gardons nous d'être trop vite nostalgique, nous dit l'auteur. Après tout, le père du "héros" s'est en partie ruiné après des paris hippiques qui ont des airs de subprimes d'avant les marchés financiers. La quête de martingale est aussi vieille que la banqueroute. Mieux, le temps qui passe est l'occasion de se trouver et de se comprendre, pour peu qu'on entreprenne un voyage initiatique, comme ce Mr Sim qui, quand il ne rejoint pas le point le plus au nord du Royaume-uni, part retrouver son père en Australie. Voyage voyage qui peu à peu change le héros.. jusqu'à cette scène à 400 pages d'écart. Le héros se retrouve dans un restaurant australien a admiré la complicité liant une mère et sa fille.. sauf qu'entre ces deux scènes, du temps a passé. On ne se baigne jamais deux fois dans la même eau. Pas plus que deux livres de jonathan Coe, ne se ressemblent...

dimanche 16 janvier 2011

L'Hystéricon Christophe Bigot Gallimard

Un très bon divertissement qui m'a fait penser à Benaquista, notamment son roman où deux personnages échangeaient leur vie.

Le roman est un dispositif comme on dit dans l'art contemporain, ou un concept comme on dit dans la téléréalité.
Dix étudiants sont coincés dans une maison de famille d'un des personnages. ils ne se connaissent pas très bien, devaient rester le temps des vacances, mais une grève générale coince les 10 plus longtemps que prévu. Jason, le petit fils de la propriétaire de la maison, un intello sensible qui a des lettres, pour occuper la vacuité de ses hôtes décide que chaque soir l'on se racontera une histoire, comme on le faisait du temps de Marguerite de Navarre.
Aller retour entre la fiction et la réalité, chacun raconte une histoire pour essayer, qui de séduire, qui de reconquérir un amour perdu.. Le reste du temps, c'est marivaudage des enfants du Loft.

La mauvaise habitude d'être soi de Martin Page et Quentin Faucompré Editions de l'Olivier

POur la deuxième année consécutive, je commence l'année avec un texte de Martin Page. après la disparition de Paris et sa renaissance à Paris l'an dernier, voici La mauvaise habitude d'être soi, un recueil de nouvelles, ayant toutes des titres aussi délicieux que celui là. Si martin Page a un génie, c'est bien celui des titres. Juste un exemple : une des nouvelles s'appelle "le monde est une tentative de meurtre". Hermétique dit comme ça, sauf qu'une fois la nouvelle lue, le titre s'impose comme une évidence. c'est la façon de martin page, cette façon de créer du mystère, de décaler un totu petit peu la logique de notre monde pour entrer dans une autre dimension, qui finalement nous parle surtout du monde où nous vivons. "Les gens ne supportent pas que l'on vive différemment, surtout si l'on s'offre qu'ils s'interdisent" écrit un des personnages qui prend la décision de vivre à l'intérieur de lui même, littéralement.
Comme dans la disparition de Paris... tout est vraisemblable dans ce roman (le cadre, les personnages, tout est très proche de nous) à un petit truc qui cloche.. Ainsi dans la première nouvelle, un policier sonne à la porte du narrateur pour lui révéler qu'il vient d'être victime d'un meurtre, en un mot qu'il est mort. Et le policier de deviser avec la victime.. étonnant non ?
Dans une autre nouvelle, peut être la plus cruelle, un homme découvre un jour qu'il n'est pas un homo sapiens comme les autres, mais qu'il appartient à une autre espèce animale.. et le voilà classé et protégé. une singularité qui devient un enfer, les sauveteurs de l'espèce animale étant peut être les pires de tous. Dans une autre nouvelle, c'est une ville qui voit tous les animaux fuir les uns après les autres. dans un autre texte, un homme passe une sorte d'entretien d'embauche pour devenir coupable, employant tous les moyens pour convaincre le juge qu'il doit être coupable.
Chez Page, l'enfer c'est d'abord d'être soi même, semble nous dire Martin Page au fil de ces nouvelles très réussies, la forme courte est particulièrement maîtrisée, notamment les chutes inattendues et singulières, rajoutant encore du mystère.
Les dessins de Quentin Faucompré illustrent merveilleusement bien le texte, apportant une pointe de singularité avec une ligne claire étrangement familière.

Les trois saisons de la rage Victor Cohen Hadria Albin Michel

voilà un excellent roman que je n'aurai pas lu sans le conseil d'un libraire où il m'arrive d'aller.
pour tout dire l'histoire d'un médecin de campagne dans la normandie du 19e sicèle n'a vraiment rien pour me passionner.. sauf que l'auteur a su écrire un roman historique très moderne, loin du côté reconstitution précieuse qui m'éloigne souvent de ce genre de romans.
Première réussite : le roman raconte plusieurs histoires à la fois, tout en constituant un tout très réussi. A commencer par le prologue et l'épilogue, soit l'histoire de la fille du héros qui découvre les deux autres parties qui constituent le roman. En une vingtaine de pages, il fait exister un personnage et éclaire le reste du récit. très bien réussi.
Second récit : la correspondance du docteur Le Coeur (!!) et du médecin militaire Rochambaut. Ce dernier compte parmi les recrues un jeune homme Brutus qui vient du canton où Le Coeur exerce son art... Brutus étant analphabète demande au médecin millitaire d'écrire à sa place à sa famille en passant par Le Coeur qui servira d'intermédiaire. S'en suit une histoire digne de Maupassant, terriblement glaque mais raconté sans pathos. L'auteur en profite pour tisser un début d'histoire entre les deux médecins qui s'éclaire dans la troisième partie : qui est le journal d'un médecin de campagne le docteur le coeur, humaniste et progressiste-l'auteur montre très bien ce qu'était ce 19e siècle positiviste et scientiste. Le Coeur court donc la campagne soigne les corps, écoute les âmes et panse les paies. les femmes meurent en couche, les hommes meurent parfois des malédictions des sorciers, en tout cas les prennent sufisamement au sérieux pour craindre d'en périr...
Le roman est d'abord celui de la Raison de Le coeur, qui consigne dans son journal non seulement la vie du canton, mais aussi et surtout ses amours et ses espoirs, ses théories sur la sexualité bridée qui donnerait la rage (celle que pasteur a soigné avec un vaccin)... car si on pense on baise beaucoup aussi dans ce roman, fait de chair. comme le médecin qui soigne les corps avec son cerveau. Le Coeur est un peu le représentant du lecteur. il observe et cherche à comprendre.
Enfin, il y a le style de l'auteur, qui rend tout cela très vivant et incarné : c'est plus qu'un livre, c'est une machine à remonter le temps.

Divines amours de Michael Bracewell

Pauvre Bracewell, Jonhattan Coe est sur le même créneau que lui et il y réussit tellement mieux, ne pouvais je m'empêcher en lisant ce très agréables divines amours. c'est sûrement injuste. on est en présence d'un livre à moitié réussi ou raté selon qu'on est ou pas optimiste (ou pessimiste, on écrit pessimiste ou optimiste justement en fonction de ce qu'on est ou pas soi même). Les livres moyens sont peut être les plus intéressants car on cherche ce qui leur manque, le petit plus qu'il leur faudrait pour emporter une adhésion plus entière.
Ce n'est pas une question de propos : celui là est plutôt décapant et original. Là où tous les romans nous laissent souvent croire que le mariage vient couronner une belle histoire d'amour, ici le mariage final est comme la consécration de tous les ratages affectifs des personnages. Soit le parfait Miles Harrier, un gars de la haute, pas vraiment à son aise dans le monde des sentiments, et qui oscille entre un trio féminin : Kelly l'artiste conceptuelle juste dérangé comme il faut, Lucinda, la fille moderne comme il faut et Stellin l'icône mannequin.. Ce que je viens de faire est un signe, tentant de résumer le livre, j'en oublie le pendant gay. car Bracewell a voulu montrer que le couple, gay ou hétéro, est sans issue. C'est peut être ça qui ne marche pas dans le livre. Autant chaque partie en soi est intéressante (l'hétéro est plus réussie, notamment grâce à ce personnage de Miles ou à un événement que je ne raconterai pas, mais qui a un effet certain sur le trio de femmes) l'imbrication des deux histoires n'est pas très intéressante. On regrette à la lecture que Bracewell n'est pas fait plutôt un diptyque, ou écrit un roman en deux parties.
Côté style, c'est très humour anglais, comme ça a tendance à m'énerver, la manie du bon mot toutes les trois lignes mais l'air de ne pas y toucher.. le côté oscar wilde, trois mots de soi disant esprit au paragraphe n'est pas ce que je préfère en littérature.. Le roman se passant à la fin des années 70 au début des années 80 la reconstitution est réussie. Reste deux mystères :
1 pourquoi l'auteur est obsédé par les sacs en plastique. a le lire on a l'impression qu'à londres tout le monde avait un sac à plastique à la main
2 pourquoi je n'arrive pas à dire plus nettement pourquoi malgré tout ce que je viens d'écrire, il y a quelque chose que j'aime beaucoup dans ce livre ?