dimanche 29 janvier 2017

James Kirkwood Meilleur ami meilleur ennemi Editions Joelle Losfeld

Avant d'être l'invité permanent des Grosses têtes, Pierre Bénichou fut le numéro deux de qui s'appelait encore Le nouvel observateur. Alors qu'on accusait déjà l'hebdomadaire préféré de la deuxième gauche de connivence, Monsieur Benichou eut ce mot d'esprit : « mais ça ne peut pas être du copinage puisque ce sont des amis ». Ainsi en va-t-il pour les raisons qui m'ont amené à lire ce roman traduit par Etienne Gomez qui est un ami et dont j'ai suivi les tribulations éditoriales. Il n'empêche qu'il est un excellent traducteur comme en témoigne ce premier essai. James Kirkwood est un enfant d'Hollywood et de Broadway, et il est connu pour la comédie musicale A chorus line, son oeuvre romanesque l'est beaucoup moins en France. Meilleur ami/meilleur ennemi publié en 1968 commence par une sorte de prologue où le narrateur expose qu'il est en prison après avoir commis un crime. Il écrit pour raconter sa version des faits. Dès le début, le cadre est posé : emprisonné, il en est presque à remonter le moral à son père défaillant. Kirkwood a travaillé pour le cinéma et le théâtre et ça se sent. Son livre évoque les grands films américains des années 50 ou 60 (on pense à la comtesse aux pieds nus) où le récit commence par un personnage perdu qui par un long flashback comment il en est arrivé là. Avant la prison, il y eut donc une pension de garçons du New Hampshire où Peter (le narrateu) est envoyé, son père semblant déjà ne pas trop savoir quoi faire de lui. Fils d'un acteur (tiens tiens...), il est assez vite pris en grippe par le directeur de l'établissement, un modèle de rigueur puritaine, d'autant qu'il veut rétablir la réputation du lycée après le suicide d'un élève, ex-amant plaqué par le capitaine de l'équipe de football. Le garçon de la côte ouest se retrouve serré de près par le directeur. Sauf que dans sa volonté de reconquête de l'honneur perdu, ce dernier va bientôt avoir besoin de lui : Peter excelle au tennis et le proviseur va décider de lui faire dire un monologue shakespearien.. Tout se passe pour le mieux jusqu'à l'arrivée de Jordan Legier, une sorte de dandy. Lui aussi enfant mal-aimé, il va se lier d'une amitié puisante pour Peter, qui ne reçoit pas vraiment la bénédiction du proviseur jusqu'à la catastrophe. Meilleur ami meilleur ennemi est un formidable page turner comme on dit aux Etats-Unis. Avec cette fin révélée dès le début, le lecteur est avide de savoir comment les choses en sont arrivées à dégénérer jusqu'à un meurtre. La construction d'ensemble est particulièrement bien réussie. Ainsi, peu de temps avant le dénouement tragique, il y a une virée à New York des adolescents qui à elle seul mérite le détour. Plus encore Kirkwood se révèle un très fin observateur. Si la mise en place peut sembler en permier abord un peu longue, c'est pour que le dénouement puisse être plus implacable. Tout est posé dès le début et pourtant à mesure des pages, le lecteur s'interroge en permanence sur les relations entre les personnages. Roman sur l'adolescence, un âge où les sentiments et les émotions sont est exacerbées, il raconte une tragédie sur un ton finalement assez badin. Les scènes de vie dans le pensionnant évoquent certaines séries américaines et Kirkwood n'hésite pas à utiliser l'humour parfois trivial (quand on est interne, on rit d'un voisin pêteur), pour raconter au plus près la vie de cette bande de lycéens. Maintenant que l'oeuvre romanesque de Kirkwood émerge à nouveau de ce côté de l'Atlantique, on rêve qu'un cinéaste comme François Ozon s'en saisisse. On imagine sans mal l'oeuvre délicieusement ambigüe que le réalisateur de Frantz ou de Dans la maison pourrait en tirer. Nul doute qu'un pensionnat français des années 70 offrirait les mêmes ressorts dramatiques et qu'un même trio unis par les mêmes relations de fascination répulsion aboutirait au même résultat tragique. Si François cherche un adaptateur pour le scénario, il peut me contacter je transmettrai

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