dimanche 28 mars 2010

Sainte famille, Jean Forton


Photos PB

C'est sûrement un des plus vieux livres de la rentrée littérature de janvier 2010. Sainte famille est, en effet, un inédit de Jean Forton, qui aurait été écrit si on en croit la quatrième de couverture, dans les années 60.
Bienvenue chez les Malinier, une famille bourgeoise, des cousins lointains des Le Quesnoy, le côté 60ies de la province française, comme on disait alors, en plus. Lui travaille dans l'import export, plus par devoir que par passion. Il a tout du fils de famille qui a hérité d'une situation qu'il liquidera, la modernisation de la France alors en route, n'ayant que faire de ses dilettantes. Sa passion c'est le piano. Chaque matin, il écoute religieusement ses 33 tours avant de partir de travailler, un hobby qui trahit comme un sentiment d'inaccomplissement. Madame Molinier est de ses femmes de sacrifice, qui économise sou après sou pour que la maison soit bien tenue. Pas le genre à aller chez les coiffeurs, ça fait vulgaire et ça coûte affreusement cher ! Quant au trio d'enfants, chacun cherche sa place : l'aîné ambitieux et tête à claques, le puiné mal dans sa peau et sensible, et la benjamine aux sens en éveil.
Sadique, l'auteur introduit dans ce petit milieu Stéphane, une sorte de tartuffe moderne, vivant de la crédulité des uns et des autres et séducteur. J'ai vu sur une table de libraire un bandeau rédigé à la main « Théorème dans la bourgeoisie française. Réjouissant ». C'est assez bien vu, si ce n'est qu'on est très très loin de Pasolini et donc de Théorème. La référence ce serait plutôt Feydeau, tant le livre évoque surtout le théâtre de boulevard avec cet hypocrite vivant aux crochets des autres, jetant son dévolu sur cette famille, espérant soutirer quelque argent pour accomplir enfin son grand projet, une sorte de christianisme revisité. Car Stéphane est à la fois un séducteur sans foi ni loi, un prêcheur capable d'expliquer que la femme doit être séduisante pour plaire à son mari. La fin du livre est à cet égard déroutante, jetant un regard tout autre sur les personnages et leurs motivations, mais nous n'en dirons rien.
Jean Forton mérite en tout cas d'être relu. Il écrit avec finesse. Si les ressorts dans l'intrigue sont parfois grossiers – l'auteur emploie quelques grosses ficelles à deux ou trois reprises pour faire avancer le récit, son art de la description est à l'exact opposé. Délicatesse, justesse et compréhension intime de l'ambiguité de tous les êtres. C'est délicieux comme une comédie française des années 60, avec, comme à l'époque, un sens des seconds rôles : de la fiancé de Luc, le second fils des Malinier, aux employées de Monsieur Malinier, une vieille fille revêche et une sorte de boulimique stupide. Rien dans ce livre n'est pourtant caricatural. La découverte de janvier 2010


Christophe Bys


Finitude 17 euros

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire