dimanche 4 novembre 2012

A nous deux, Paris ! Benoît Duteurtre Fayard

Aïe ! Pour commencer un message à tous les écrivains : écrire sur la musique est le truc le moins intéressant qui soit. Thierry Hesse dont j'ai écrit ailleurs le bien que je pensai de L'inconscience, tombait dans ce travers, qui consiste à aligner les trilles, tierces et autres harmonies, abusant d'un langage savant pour évoquer la musique, ce qui est d'aileurs le meilleur moyen de ne pas la faire entendre. Même chose pour Benoît Duteurtre dans ce roman d'apprentissage (c'est un peu Bécassine découvre le forum des halles) où le jeune héros quitte sa Normandie natale pour devenir un artiste à Paris. D'où le titre. Au moins, le roman n'est pas mensonger. Il arrive à Paris plein d'illusions et la ville va le corrompre. On est à la fin des années 70, au début des années 80, on traîne aux Halles, on va au diable des Lombards, on ne sait pas si on aime les garçons ou les filles, ou plutôt on le sait, mais on n'ose pas aller au bout du désir... Pour ceux qui n'ont pas connu cette période et qui le regrettent (la nostalgie n'est plus ce qu'elle était, tu avais raison Simone), le roman constitue un témoignage sûrement honnête sur le Palace, le diable des Lombards, le monde de la nuit. On prend de la coke. Quand on croise une fille devant le palace, elle est bien sûr prostituée. Quand on va dans un bar écouter de la musique, on est embauché le soir même par la chanteuse... tout ça pour dire que le récit tient plus du n'importe quoi que de la mécanique de précision. D'ailleurs, je crois pouvoir dire que l'auteur s'en fout plutôt pas mal, ayant pas grand chose à dire sur son personnage. Ainsi, à la fin du récit, il lui réserve deux fins possibles (et pourquoi pas trois ?), un procédé qui n'a pas grand intérêt. A moins que Duteurtre ait signé un roman autobiographique et que revenant sur son passé, il s'est plu à imaginer quels autres destines il aurait pu avoir. C'est sûrement très intéressant pour lui et sa famille ; pour un lecteur lambda, j'en doute davantage. Pour allonger la sauce un peu courte, le lecteur a le droit pour le même prix à un passage en province, là où le jeune héros a passé ses premières années d'études, ce qui nous donne une description qui se veut sûrement ironique de la vie de province (la Normandie, Rouen, on vise Flaubert), mais qu'on a surtout lu à peu près 250 fois. Ah l'oncle nouveau riche qui a fait fortune dans les cuvettes de chiottes, grossier personnage rustre jusqu'au bout. N'est pas Chabrol qui veut ! Sinon, comme l'auteur a des lettres, et comme il a sûrement lu Proust, on parsème le texte d'interruptions (qui rappelle les digressions proustiennes Nom de lieu et autres) où l'on raisonne sur Paris, sa force d'attraction pour un jeune provincial, voire sur l'architecture, la marche du temps. C'est à peu près aussi profond que.. (non non je ne citerai pas de nom, ce serait trop facile, prenez n'importe quel auteur qui croît dire des choses profondes en prenant de grands airs et égrenant des banalités). Là ça donne, en résumé : Paris sera toujours Paris. Merci Benoît ! « et Jérôme eut l'impression que ces deux artistes réunissaient ce qu'il recherchait : la provocation, la jubilation sonore et l'insolente modernité ». C'est exactement tout ce que ce roman n'est pas, un peu comme quand France Gall chantait dans les années 80 Elle elle l'a.

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